Le défi Museomix au Montreux Jazz Café

Interview avec Dr. Alain Dufaux, Director Operations & Development, Metamedia Center, EPFL et Expert du Montreux Jazz Café

Quelle est l’origine du Montreux Jazz Café ?

En 1967, Claude Nobs crée le Montreux Jazz Festival qui rassemble rapidement les plus grands talents de la musique. Claude Nobs a tout de suite eu l’idée d’enregistrer les concerts, non seulement en audio mais surtout en vidéo, en utilisant les technologies les plus récentes. Il commence avec la HD en 1991, 15 ans avant le grand public! Nobs adorait la technologie et testait toujours de nouvelles choses, poussant la captation de l’image et du son au maximum de sa définition. Chaque concert était filmé et enregistré sous différents angles avec différents moyens. Les droits d’auteurs étaient demandés à chaque artiste, et Claude Nobs a ainsi rassemblé une énorme collection audiovisuelle — la plus grande au monde. Le Montreux Jazz Café sert de plateforme de visualisation et d’écoute de ces archives, un patrimoine incroyable pour le jazz et pour la région, accessible au public gratuitement.

Comment ont été construites les archives ?

Claude Nobs gardait tous les enregistrements chez lui, dans son chalet au dessus de Montreux. Un jour Patrick Aebischer, ancien président de l’EPFL, lui rend visite et découvre 14’000 bandes sans copie, ni protection particulière. C’est le début du projet de numérisation mis en place à l’EPFL dès 2010 avec le Metamedia Center. Son rôle est premièrement de numériser en haute qualité et d’organiser tout ce qui découle de cette numérisation (base de données, droits, contrôle de qualité, etc.), puis de valoriser cette base de données à travers des partenariats et projets de recherche, par exemple dans la création de nouvelles technologies d’écoute ou d’enregistrement. Il s’agit aujourd’hui de la première bibliothèque audiovisuelle enregistrée au Patrimoine mondial de l’UNESCO. L’archivage n’est que le point de départ pour de nouvelles recherches à venir.

Par qui l’archive est-elle utilisée ?

Les chercheurs et étudiants, qui travaillent par exemple au développement de systèmes de tri d’information optimisés, aident à archiver de manière toujours plus performante les données. Une équipe de l’EPFL se penche également sur la question de la création, grâce au machine learning et à un algorithme, capable d’extraire des 11’000 heures d’enregistrement les images idéales, les plus esthétiques et représentatives de ces 4’000 concerts qui seraient bien trop longues à parcourir à l’œil nu. Finalement, les passionnés de musique et musicologues, mais bien sûr aussi le public général du café qui peut venir découvrir et réécouter des concerts.

Comment fonctionnent-elles au sein du Café?

Le Montreux Jazz Café de l’EPFL offre quatre systèmes de visualisation: le « Montreux Jazz Heritage Lab », une salle immersive conçue par l’EPFL+ECAL Lab en collaboration avec le laboratoire ALICE et deux startups d’anciens post-doc de l’EPFL dans le domaine acoustique. Des cabines isolées avec écrans PC et interface web permettent aussi de naviguer à travers les concerts et accéder aux métadonnées (artistes, date, instruments, genre musical). Des coins salons où des iPads programmés à cet effet donnent également accès aux concerts retransmis via une colonne de son, sorte de jukebox ciblé dont la zone d’écoute s’étend à la tablée précisément. Finalement, des écrans disposés de part et d’autre diffusent en continu des concerts.

Quels sont les enjeux de l’espace du Montreux Jazz Café et qu’espérez-vous de nos Museomixeurs ?

Notre enjeu principal est que les archives soient visibles. La difficulté est que les images du Montreux Jazz Festival ne peuvent pas circuler en dehors du café pour des raisons de droits d’auteur. Actuellement les richesses du lieu passent souvent inaperçues auprès des clients du café qui ignorent l’ampleur de l’information qui est à leur disposition. L’accessibilité au travers de nouvelles technologies pour montrer les images différemment au public, ainsi que la communication, sont donc des points centraux pour nous. J’espère qu’elles le seront pour les Museomixeurs, dont le regard frais peut nous apporter beaucoup!